Eric, vous allez représenter la France aux JO de Rio en août prochain dans la très complexe discipline du Skeet. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Eric Delaunay, j’ai 28 ans, je suis entré dans l’équipe de France de skeet à l’âge de 15 ans. Je dirais que j’ai commencé à tirer dès lors que j’étais dans le ventre de ma mère. Mes parents étaient armuriers et possédaient un petit stand de tir que ma mère gérait pendant que mon père était à l’armurerie. J’ai tiré ma première cartouche à l’âge de 5 ou 6 ans, le fusil à la hanche. Mon père se plaçait derrière moi, il m’aider à maintenir le fusil, mais surtout à absorber le recul. Je commençais donc à tirer quelques rabbit de cette façon tous les soirs, en échange d’un petit coup de main sur le stand. Depuis, je prends parfois plaisir à tirer à la hanche, toujours des rabbits ou une petite série de skeet. Bien sûr, je n’ai pas la prétention d’un Flanigan (NDLR. Tireur d’exhibition aux USA), mais ça permet de se détendre et de s’amuser. Mon frère lui n’a jamais été mordu par le tir, même si on a grandi dans le même environnement, lui n’a pas adhéré du tout au plaisir du tir. Moi, j’ai vraiment accroché au skeet, bien évidemment, mais aussi à la chasse. Durant l’hiver, c’est ma période creuse, ça me laisse donc du temps pour aller passer quelques nuits au gabion en baie du Mont.
Quel est votre palmarès en tant que tireur sportif ?
Entrée en équipe de France de skeet à l’âge de 15 ans
6 titres de champion de France individuel
9 titres de champion de France en équipe
Champion d’Europe 2011 individuel
4e place au Championnat du monde junior
4e place au Championnat du monde senior (à 2 reprises)
3e place au Championnat du monde en équipe (à 2 reprises)
3e place au Championnat d’Europe en équipe
Champion du monde 2015 en équipe
Voilà pour mes principaux titres, j’espère ajouter une médaille dans quelques semaines.
Participer à des jeux olympiques est l’aventure d’une vie, une consécration, comment se prépare-t-on pour un tel évènement ?
Pour décrocher une place aux Jeux olympiques, il faut obtenir des quotas lors des différentes compétitions internationales. Ces quotas sont attribués aux trois premières places. Bien que vous gagniez la compétition et donc ce précieux quota, votre participation aux JO n’est pas assurée. En gagnant la compétition ou en terminant parmi les 3 premiers, vous êtes simplement éligibles pour participer aux JO. Le quota que vous avez remporté est remis entre les mains de la fédération française qui choisit elle-même le tireur qui représentera la France. En 2011, ma victoire au championnat d’Europe m’avait offert ce précieux quota pour les JO de Londres en 2012. Malheureusement, ma saison fut pitoyable, vraiment. Je ne fus donc pas retenu par la fédération. Je dois avouer que ça m’a mis un sacré coup derrière la tête. C’est compliqué de remonter la pente quand tu rêves tellement d’un truc, t’es à deux doigts de l’avoir et finalement non… Maintenant, j’en ai tiré une force, demain je serais aux JO de Rio grâce à un nouveau quota que j’ai été décroché.
Quelles sont les qualités fondamentales pour être tireur sportif selon vous ?
Particulièrement pour ma discipline, le skeet, la qualité indispensable est le mental. Je dirais 60 à 70 % de mental. Les plateaux sont les mêmes, tu connais les trajectoires. Le but, c’est de casser tous les plateaux le jour J, les uns derrière les autres sans louper. Tout se passe dans la tête. Bien sûr il faut aussi de bonnes facultés de reflex et coordination et une bonne vision.
Pouvez-vous expliquer ce qu’est le Skeet ?
Les plateaux partent de deux cabanes espacées de 40 mètres. Entre celles-ci sont présents 7 pas de tir en arc de cercle, un 8eme au centre. Chaque poste de tir propose une série de plateaux différents, des plateaux simples et des envois simultanés. La caractéristique du skeet, c’est que vous n’avez droit qu’à une seule cartouche par plateau et vous partez désépaulé.
Quels sont vos objectifs pour ces JO 2016 ?
Comme toute compétition : la gagne. Si tu y vas pour autre chose, ça ne sert à rien, autant rester à la maison. Même si parmi les 27 autres tireurs présents aux JO, il y a d’excellents tireurs, notamment Vincent Hancock, l’américain qui sera en lisse pour sa troisième médaille d’or après ses deux précédents titres aux JO de Beijing (2008) et Londres (2012). Le défi est grand, mais bien sûr j’y vais pour la gagne.
On vous voit particulièrement actif sur les réseaux sociaux, vous souhaitez faire connaître le tir sportif et le skeet, quels sont pour vous les principaux obstacles rencontrés par les jeunes qui souhaiteraient s’initier à cette pratique ?
Le manque cruel de stands de tir. Dans la Manche, il n’y a que 3 stands pour tout le département, un seul propose du skeet. Il y a aussi les tranches horaires difficiles, des stands fermés certains jours ou d’autres aux horaires restreints. Il ne faut pas oublier le côté onéreux de notre sport. L’achat du fusil, les plateaux et les cartouches, ça n’est pas accessible à tous. Je pense aussi que notre sport souffre d’une image parfois négative, notamment concernant l’utilisation des armes avec les récents attentats.
Vous avez réalisé une campagne de crowdfunding (financement participatif) afin de pouvoir réaliser votre rêve de tirer aux JO, quels ont été les obstacles que vous avez rencontrés ?
Je n’ai pas vraiment rencontré d’obstacle. Bien sûr le côté financier aurait pu en être un, mais j’ai une très bonne équipe autour de moi qui a réussi à décrocher quelques sponsors et partenaires qui m’apportent une aide financière. Je sens un réel engouement des habitants de ma ville et de ma région, les médias locaux m’offrent une belle couverture et je n’ai que de bons retours. Depuis ma qualification en novembre, ça n’est que des bonnes choses qui font du bien, et du bien à mon sport aussi. On nous considère enfin comme de vrais sportifs.
Anthony Terras représentera également la France durant ces jeux, ce sera sa quatrième participation à des olympiades, vous êtes à la fois amis et compétiteurs, comment gérez-vous cela ?
Oui c’est d’abord un ami. Je ne le vois pas comme un concurrent, à vrai dire, je ne vois aucun autre tireur comme concurrent. Dans notre discipline, il n’y a pas d’affrontement direct, c’est toi contre tes cibles et pas toi contre ton voisin. Donc si je perds, je ne peux en vouloir qu’à moi, j’aurais été moins bon que mes cibles. On a tous une très bonne entente, même au niveau international. Je partage aussi la chasse avec Anthony, je suis donc content de partager ces JO avec lui. Il a déjà une expérience olympique, il pourra m’aiguiller. On s’entraîne pas mal ensemble aussi, c’est sympa le côté émulation entre nous, on discute, on s’échange des conseils, on augmente nos propres niveaux.
Malheureusement, les disciplines de ball-trap sont très peu diffusées, comment pourrons-nous vous suivre durant cette compétition ?
Les épreuves seront peut-être diffusées sur l’Equipe21 ou France TV selon les autres disciplines qu’il y aura en face. Quoi qu’il arrive, toutes les épreuves seront retransmises en streaming sur internet. (Chasse Passion vous partagera le lien streaming le jour J)
Petit mot pour la fédération des chasseurs de la Manche, que je tenais vivement à remercier pour le partenariat qu’elle m’a accordé cette année.
Un grand merci Eric de nous accordé de votre temps à quelques semaines à peine de votre départ pour les JO de Rio, nous vous souhaitons grande réussite !
D’ailleurs, Eric a promis de nous partager ses aventures en direct de Rio, nous les relayerons bien évidemment sur le portail Chasse Passion.
Une réflexion sur « Interview Eric Delaunay, un Français à Rio »
Sympa de te lire Goonif 😉